Le courir de Mardi Gras / The Mardis Gras Run
par / by Beverly Matherne

LE COURIR DE MARDI GRAS

par Beverly Matherne

Inspiré par « La Fête de quémande », une peinture de Herb Roe

Que la brouillasse se lève, que les chênes verts, leurs branches chargées de mousse, leurs troncs sinistres, viennent à la vue.

Que le Capitaine monte son cheval, sa cape d'or brillant dans la lumière du matin.

Qu'il porte son flag roulé, qu'il fende l'air avec son fouet, qu'il rappelle aux mardi gras qui est le chef.

Que les membres de l'entourage du capitaine se rangent derrière lui.

Laissez revenir l’Homme Farouche des Bois, ses pieds nus, son bourgo de chasse.

Que la Vieille Bique apparaisse, sa tête en tignon, son nez phallique, sa robe bleue et ses vieilles chaussures plates.

Vieille sorcière !

Vieille charogne !

Vieux travesti !

Que le Sanglier Farouche avance, ses oreilles orange du diable, son masque en grillage de moustiquaire, son museau saillant, son costume à franges et sa cape en fourrure.

Comptez sur lui pour retirer la viande de la table, tout le Carême.

Interdire les ébats amoureux, tout le Carême.

Que la Jeune Fille entre, son bec jaune de poule, son maigre haut, les jupes froncées du drapeau acadien — rouge, bleu, jaune, blanc.

Que l'Homme Barbu se joigne à nous, son capuchon vert pointu, son nez en forme de gombo, sa barbe rouge farouche, vieille chose paillarde.

Laissez entrer le Rougarou, son museau prononcé de loup.

Comptez sur lui pour traquer ceux qui ne suivent pas les règles du Carême.

Attention, une fois que l'horloge sonne minuit.

Que l'Évêque se présente lui-même, son mitre de damas gaufré, blanc pur, orné d'or, ses deux panneaux s'élevant jusqu'à un sommet, son manteau rouge, sa crosse pastorale.

Lui, un homme pauvre déguisé en riche, il se moque des hauts dignitaires du clergé.

Que le Grand Corbeau, co-capitaine, avance, ses cheveux blancs et mal coiffés, son pantalon à franges noires, sa cape fluide, ses garnitures rouges au cou et à l'ourlet, sa grande bannière jaune.

Qu'il batte, avec son fouet de pite, tous les riboteurs qui ne suivent pas les règles de Mardi Gras.

Comme les jeunes hommes déguisés en magistrats de Rome antique le jour de la fête des Lupercales, courra-t-il dans les rues pour éloigner les mauvais esprits ?

Jouira-t-il à fouetter les femmes, pour les rendre fertiles, soulager la douleur de l'accouchement ?

Allez, tout le monde, buvez toute la bière que vous pouvez.

Bourrez vos gosiers de boudin.

Augmentez votre endurance pour un courir difficile.

Laissez le Capitaine voyager son flag au premier arrêt, signe qu'il a reçu la permission d'emmener son groupe sur une propriété privée:

« Hourra ! Allez ! » ordonne-t-il. Le violon, l'accordéon, la guitare et les mardi gras font irruption dans une joie rauque.

Ils courent dans la cour de la maison pour mendier et ensuite sur la route vers le village, pour mendier de maison en maison, pour les poulets, pour l'andouille, la saucisse fumée, les oignons, le riz, les pièces de monnaie.

Une femme jette une pintale de son toit, la pauvre chose criant, essayant désespérément de ne pas se faire prendre.

Chassez-la, les riboteurs farouches, dans la boue, dans le fossé, dans le bois.

La pintale est agile, elle est rapide. Ne la laissez pas d'envoler dans un arbre.

Que la bagarre monte, la frénésie, la perte de soi, l'extase.

Comme la chasse sauvage du temps primitif, pour conjurer la faim, défier la mort.


* * *


Le courir, maintenant terminé en milieu d'après-midi, le gombo communal prêt, laisse manger tout le monde.

Demain commencent quarante jours sans viande, quarante jours sans péché.

Alors, mangez autant que vous pouvez.

Buvez autant que vous pouvez.

Dansez autant que vous pouvez.

Soyez aussi méchant que vous voulez, autant que vous pouvez.

Que le soleil se couche. Que le Grand Corbeau se tienne debout au milieu de toute la chibaigne.

Allez, Corbeau, fondez l’air avec votre fouet, battez le péché hors de nous, purifiez nous pour le Carême !

THE MARDI GRAS RUN

by Beverly Matherne

Inspired by « La Fête de quémande », a painting by Herb Roe

Let fog lift, let live oaks, limbs laden with moss, ghost trunks, come into view.

Let the Captain mount his horse, his gold cape bright with morning light.

Let him bear his furled flag, split air with his whip, remind the revelers who is boss. Let his entourage fall in behind him.

Let the Wild Man of the Woods return, his feet bare, his hunting horn.

Let the Crone appear, her head kerchiefed, her nose phallic, her dress blue, her shoes old, flat.


Old hag!

Old carrion!

Old crossdresser!

Let the Wild Boar step forward with his orange Devil’s ears, screen mask, protruding snout, fringed suit, fur cape.

Count on him, he’ll remove meat from the table, all Lent.

Prohibit flesh-frolics, all Lent.

Let the Young Girl enter with her yellow, hen-like beak, her scanty top, her gathered skirts of the Acadian flag—red, blue, yellow, white.

Let the Bearded Man join in, his pointed green capuchon, okra-shaped nose, wild red beard, bawdy old thing.

Let the Rougarou enter, his prominent wolf’s snout.

Count on him to hunt down those who break Lent’s rules.

Once the clock strikes midnight, beware.

Let the Bishop present himself, damask miter, pure white, gold-trimmed, its two panels rising to a peak, his red cloak, his shepherd’s staff.

A poor man disguised as a rich man, he pokes fun at Church uppity-ups.

Let the Raven Flagellant, co-captain, come forward, his white, unkempt hair, black fringed pants, flowing cape, red-trimmed at neck and hem, his great yellow banner.

With his burlap whip, let him beat all revelers who break the rules of Mardi Gras.

Like young men disguised as ancient Roman magistrates on the Feast of Lupercalia, will he run through streets, to ward off evil spirits?

Will he flog women playfully to make them fertile, ease the pain of childbirth?


Come on, everybody, drink all the beer you can.

Eat all the Boudin you can.

Build your stamina for the hard run.

Let the Captain wave his yellow flag at the first stop and signal permission to take his party onto someone else’s land.

“Go on,” he commands, and fiddle, accordion, guitar erupt in raucous joy.

Revelers run riot through someone else’s yard, beg at the door, then head down the road toward town, begging from house to house for chicken, andouille, smoked sausage, onions, rice, coins.

A woman throws a guinea hen from her roof, the poor thing squawking, desperate not to be caught.

Chase her, wild ones, through mud, ditch, woods.

She’s agile, she’s quick. Don’t let her fly up in a tree.

Let the brawl mount, frenzy, loss of self, the ecstasy of it.

Like time-primeval’s wild hunt to stave off hunger, defy death.


* * *


Mid-afternoon, the run over, the communal gumbo ready, let everybody eat.

Tomorrow, it’s forty days and no meat, forty days and no sin.

So eat all you can.

Drink all you can.

Dance all you can.

Be as bad as you want while you still can.

Let the sun set. Let the Raven Flagellant prevail.

Come on, Raven, scourge the air with your whip, beat the sin out of us, make us clean for Lent!