L’Écrémage
Un conte écrit par Jonathan « rat de bois farouche » Mayers
L’ÉCRÉMAGE
Un conte écrit par Jonathan « rat de bois farouche » Mayers
C’était la cuiller de Joseph Mayers, de qui vient mon deuxième prénom. Li, il avait des amis à la plantation où il travaillait comme un cuisinier. Eux-autres étiont créoles, pas seulement créole noir comme on connait asteur – non, c’était pas comme ça – mais, les créoles comme la signification classique : les créoles aviont l’héritage métis, étiont nés en Louisiane, et surtout aviont la peau de n’importe quelle couleur. Des fois Joseph cuisait pour eux après une longue journée chaude, faisant du jambalaya aux saucisses dans sa grande chaudière. Celle-là, principalement usée à son travail pour faire bouillir des cannes à sucre, a bien porté un sacré tas de l’âme. C’était tout noir et bien assaisonné, comme ça devrait être.
Oh, c’est si sucré, cette eau de canne à sucre ! Plonge-moi donc encore dans cette confection confortable, même affectueuse. Je serai plein de gras doux en t’aidant à enlever tout ce caca, Joseph ! Lorsque je me baigne dedans, on discutera pour comment le monde profitera de cette belle création délicieuse.
Laissez-moi vous dire, si vous-autres étais là dans les clos de canne-là, vous chercheriez toujours un ‘tit brin de canne pour manger sous le soleil si chaud si brillant ! Les amis de Joseph, les Créoles bonasses là-bas, étiont pas dans l’ombre d’une couverture comme li avec cette cuiller et sa chaudière. Pour se soigner, eux-autres avait foutument besoin de quèque chose bon et plaisant lorsqu’ils cultivaient pendant la journée. Quèque chose qui les ferait contents de tirer les cannes de la terre, bougre, pas juste pour faire un tas de dur ouvrage pour le patron d’une plantation hors-là à la Pointe Coupée. Et cette cuiller-ci, faite en nickel, a absorbé tous les esprits qui avaient déjà touché la terre où les cannes à sucre étiont plantées pis cultivées.
C’est nous-autres ! C’est nous-autres dont le monde aura besoin pour les animer. On va les animer en mettant tout ce qu’on a fait dans leur manger. C’t’affaire, ce sirop avec la couleur brun d'orée, ce produit naturel des cannes à sucre, c’est ça qui va les aider ! De ça, j’suis sûr !
Pooh ! Il y avait une fois que le patron était foutument fâché parce qu’il avait remarqué un des Créoles qu’était après goûter un peu de la canne pis il est devenu comme un homme du vieux temps de l’esclavage – rudement violent envers ceux qui l’auriont pas eu la permission ou le droit de goûter ses produits.
Joseph était après regarder ça qui se passait sur la galerie de la maison sur la plantation. Il a vu le patron fâché qu’était après sortir son fusil de sa boîte près de la porte de la galerie. Merde, quel vilain-là. On dirait la canne était un sisi-à-dents.
Ça me fait pas rien que tu m’avais jeté forcement dans la chaudière, ou même m’as cogné sur le côté. Il faut casser un œuf pour faire une omelette, n’est-ce pas ?
Tenant cette cuiller lourde dans sa main gauche, il a quitté la chaudière où il se trouvait et dont il écrémait le gras doux en l’usant. Il avançait prudent vers le patron. Même comme le soleil était après jeter les raies fortes de la chaleur, cette cuiller restait froide lorsqu’il traversait le chemin en marchant sur les chadrons. Et li, il était après suer comme un cochon. Joseph est monté les escaliers de la galerie.
C’est bien – ce qu’on fait. On est après aider tous les autres à devenir pleins de joie, contents, tout ça. Quoi tu crois, bougre ?
Le patron, après mettre en pointe le Créole qu’était tracassé dans le clos de cannes, a enlevé son fusil.
Comme une planète, une lune, même un astéroïde, cette cuiller se tient en place jusqu’à ce qu’une force déclenche une réaction. Ça devient quède. Ça pivote rapidement vers du mou.
Paiyow ! Le long fusil était tiré.
L’impact.
Il faisait comme l’été a visité le printemps, entourant l’air frais pis l’étouffant en sirop chaud, cependant avec un goût de cuivre, pas de sucre.
Manquant le Créole, la balle a passé par le clos-ci, pis a frappé un chêne vert au-delà la clôture-là.
Non, c’était pas comme ça.
Une vaillante jeune Créole s’est jetée devant le Créole, la cible. Les deux sont tombés icitte. La balle l’a traversée comme si elle était un passe-lait.
Le monde avait peur du patron et de son fusil et qu’elle soit morte, mais là, dans ce clos et loin là-bas sur la galerie, eux-autres avait vu la solidarité.
Tu crois ce que je crois, bougre ? Ouais, j’l’ois sur ton visage que tu crois la même chose que moi, Joseph. C’est l’écrémage qu’on fait foutument bien !