ZACHARY RICHARD, Les Rafales du carême. Shreveport, LA: Les Éditions Tintamarre, 2023. ISBN: 9798987353677
reviewed by Paul Paré (Click here to read in English)
Zachary Richard enregistre de la musique cajun et zydeco depuis plus de 45 ans et a remporté de nombreux prix et distinctions dans le monde entier. Il a également publié des recueils de poésie et des livres pour enfants et a collaboré à plusieurs documentaires télévisés. L’année dernière, lors du lancement de son roman, il a déclaré dans une interview à la Louisiana Public Radio qu’il a œuvré sur le récit pendant plus de 30 ans. Il avait rempli une douzaine de cahiers de son « chicken scratch » (écriture manuscrite). La pause offerte par la pandémie lui a donné le temps de se lancer dans « le marathon qu’est l’écriture d’un roman ».
Quand on combine un romancier débutant et un poète de longue date, on découvre un talent surprenant. Si on y ajoute la voix d’un auteur-compositeur-interprète qui connaît bien le folklore louisianais, on a du génie à portée de main. Telle a été ma réaction profonde après avoir lu quelques pages du roman Les Rafales du carême, écrit par Richard. Quelque 360 pages plus tard, j’en étais certain: ce roman est autant une œuvre d’art magnifique qu’une contribution historique.
Le titre situe parfaitement le récit de Richard : rafale est un vieux mot français qui désigne les tempêtes de vent si fréquentes chaque printemps dans la partie sud de la Louisiane, et carême fait référence à la période du jeûner qui régit le calendrier catholique, commençant avec Mardi Gras et se terminant avec Pâques – des moments importants de célébration et de rédemption. Ainsi, le décor est planté. La région de la Louisiane représentée ici est Vermillionville (le paroisse qui entoure la ville actuelle de Lafayette) et les terres agricoles et d’élevage environnantes situées à l’extrême sud de l’État, près du golfe du Mexique, bien qu’il y ait quelques moments dans le récit où l’action se déplace à la Nouvelle-Orléans.
La période de temps s’étend de 1878 à 1890. La guerre de Sécession s’est terminée en 1868 et, dans ce roman, elle est rarement évoquée. Richard nous présente un paysage qui a survécu au pire de la guerre et a réussi à s’adapter à l’émancipation des esclaves. Sa distribution de personnages est composée principalement de familles cajuns, des Noirs affranchis, et de quelques aventuriers « étrangers ». Les nordistes qui ont déménagé en Louisiane sont appelés « les Américains ».
Les personnages principaux sont Drozin Boudreaux et son petit-fils de 17 ans, André. L’aîné a servi dans les forces confédérées mais parle rarement de son expérience de la guerre. Depuis la guerre, il est occupé à vendre des terres aux promoteurs du réseau ferroviaire du Sud et à se concentrer sur l’acquisition du pouvoir politique et du prestige social. Il aimerait voir son petit-fils suivre ses traces, mais ce dernier est entièrement impliqué dans l’élevage des chevaux et des poneys sur les terres agricoles des Boudreaux. Conçu comme un roman de formation, le récit suit le jeune Boudreaux et représente sa prise de conscience croissante du monde qui l’entoure, et en particulier des relations raciales et de sa propre sexualité naissante. Cependant, ces préoccupations sont souvent éclipsées par l’histoire plus vaste de la Louisiane que l’auteur cherche à décrire.
Bien que la tension narrative soit parfois sacrifiée à cette vision large, le français louisianais de Richard est un plaisir à lire sur la page. J’ai trouvé un certain nombre de mots et d’expressions intéressants, comme le terme utilisé pour désigner l’agencement des fermes, « rang », qui est le même terme utilisé dans la région de la Beauce au Québec, d’où mes parents étaient originaires. Cependant, les Cadiens utilisent une traduction littérale de l’expression anglaise courthouse, « la maison de la Cour », alors qu’à ce jour au Québec, l’expression est « Palais de Justice ».
Le titre du dernier chapitre est « Lagniappe », un mot louisianais qui désigne quelque chose d’extra, peut-être une petite gâterie partagée à la signature d’un contrat ou quelque chose supplémentaire, ajouté pour édulcorer le plat. Zachary Richard utilise son roman, de la même façon qu’il a toujours utilisé son travail, pour susciter la curiosité et la reconnaissance de la langue, de la culture et de l’histoire de la Louisiane. Le fait qu’il s’agisse aussi d’une étape importante — la première publication d’un roman en langue française en Louisiane depuis plus d’un siècle — est un « lagniappe » qui devrait à la fois séduire et récompenser les lecteurs.